Migrants et sans papiers

Liberté d'installation et de circulation ou rien!

Nous,migrant.e.s « irréguliers », demandeur.se.s d’asile, dubliné.e.s,donc tous sans-papiers, subissons toutes les injustices, qu’elles soient raciales, sociales, religieuses, politiques ou économiques, faisant de nous des « riens », inexistants et à invisibiliser.

Parce que nous sommes noir.e.s, arabes, rroms et pauvres, « sous-développé.e.s » ou perçu.e.s comme tels, ce gouvernement pense avoir droit de vie et de mort sur nous car c’est ainsi que fonctionne l’économie impérialiste.

De là-bas à ici...

Nous sommes de celles et de ceux dont le village a été bombardé par un drone de l'OTAN ou un avion apache français ou dont les parents et voisins sont morts lors d'une « frappe chirurgicale » qui n'a officiellement fait que des dégâts matériels. Nous sommes les premières victimes de la guerre contre le terrorisme et des dictateurs amis de la France.

Nous sommes de celles et de ceux qui ont été poussé.e.s à partir par la spoliation des richesses de nos sous-sols, par l’accaparement de nos terres, par le dérèglement climatique, par les politiques d’ajustement structurel imposées à nos pays. Mais nous n’avons de toute façon pas le droit de vouloir partir, nous sommes assigné.e.s à résidence dans nos pays envahis par les touristes occidentaux, et humilié.e.s dans des consulats étrangers qui nous refusent le visa. Notre cacao, nos diamants, les riches et les armes circulent et s’installent librement mais pas nous !

Nous avons été jeté.e.s sur la route et nous avons survécu à la traversée. D'autres, nos sœurs, nos frères, furent tué.e.s par la mer, la montagne, le désert, battu.e.s ou violé.e.s par un garde frontière ou un marchand d’esclaves. Mort.e.s parce que Frontex, les accords de Dublin, la Police aux Frontières, l'Union Européenne et les architectes de ces politiques,Colomb, Valls, Sarkozy, Pasqua, Deferre, Salvini, Orban, Erdogan, Netanyahou.

Nous sommes l’objet d’une guerre pour nous empêcher de venir en Europe, monayé.e.s comme du bétail contre des « aides au développement » (accords bilatéraux entre le France et le Maroc ou le Mali, UE-Afghanistan, accord de Malte UE-Afrique) qui arment nos gardes frontières et les polices de nos pays,qui nous trient dans des hotspots hors des frontières de l'Europe.

 

…La guerre se poursuit

 

Arrivé.e.s en France, c’est la rue, à la Porte de la Chapelle, à Calais ou ailleurs, dans une tente ou sur un carton posé sur un bout de trottoir. Ou bien ce sont des chambres insalubres dans des hôtels gérés par les mêmes « associations » que les foyers coloniaux(Adoma, Aurore etc).

Nous sommes celles et ceux qui sont présumé.e.s coupables et menteur.ses et qui doivent afficher la figure de tous les fantasmes occidentaux de la Persécution devant un « Officier de protection » de l’OFPRA. Nous sommes celles et de ceux qui sont continuellement soumis.e.s à l'arbitraire des Préfectures et qui doivent accumuler pendant des années des «preuves de présence sur le territoire» pour espérer prétendre à un titre de séjour aussi précaire que révocable.

 

Dans le travail, nous sommes partout dans les secteurs non délocalisables (aide à la personne, restauration, nettoyage, sécurité, bâtiment, travaux publics,agriculture). Nous faisons les besognes que vous ne voulez pas faire car trop mal payées, trop dures, avec des horaires impossibles et des temps de transport interminables non rémunérés. Nous sommes la main-d’œuvre délocalisée sur place car sans droits.

 

Nous sommes continuellement raflé.e.s par la police, après avoir été tabassé.e.s ou contrôlé.e.s au faciès et nous écopons d'une Obligation de Quitter le Territoire Français (OQTF) pour ne pas avoir pu s’acheter un ticket de métro ou avoir travaillé sans papiers. Nous avons tou.te.s connu un passage en Centre de Rétention Administrative (CRA), prisons pour étranger.es illégalisé.es. Nous subissons des doubles peines, voire triples peines, quand les allers et retours entre la prison et le CRA sont la norme.

 

Nous sommes celles et de ceux, déportables, qui avalent des lames de rasoir lorsque l’on essaye de nous expulser de force ou qui crient au fond de l'avion,ligoté.e.s à un siège, pour se faire entendre des passagers et du pilote.

 

Nous sommes les incompté.e.s de votre politique

 

Nos mort.e.s n’ont ni noms ni visages pour le plus grand nombre et leur mémoire est violée chaque fois que l’immigration est convoquée dans le débat public comme une menace. Notre invisibilisation justifie l’impunité pour celles et ceux qui nous pourchassent ou nous tuent. C’est aussi pour cela que les policiers qui mirent fin aux jours de M Ismaïl Bokar DEH, le 30 avril 2018 à Versailles, ne seront jamais inquiétés.

 

De débats en colloques, journaux télévisés ou conférences militantes, on parle de nous sans nous et donc toujours contre nous :« clandestin.e.s », « migrant.e.s »,« exilé.e.s », « réfugié.e.s », « sans-papiers »,« demandeur.se.s d'asile », « irrégulier.e.s »,« flux », «  appel d'air », ou tout simplement« problème ». La gauche nous convoque à chaque élection ou conversation de fin de repas pour faire croire qu’elle est restée de gauche.

 

Nous sommes les premières cibles de la ségrégation et du racisme. Nous concentrons tout ce que subissent les habitant.e.s dans les quartiers populaires, les racisé.e.s, les musulman.e.s, les rroms, les pauvres de manière générale. Pourtant, nous comptons rarement parmi les racisé.e.s légitimes car pour beaucoup nos situations sont toujours vues comme provisoires.Ce provisoire dure pourtant… Nous sommes le point aveugle de l'anti-racisme politique et de beaucoup de luttes alors que nous en constituons le centre.

 

Ensemble

 

Nous sommes ces ouvrier.e.s du nettoyage et du BTP qui, en février 2018, organisent des grèves sauvages contre un patronat qui régule la ségrégation économique des étranger.e.s. Nous sommes de celles et ceux qui s’arment contre les rafles et les déportations pour se donner les moyens d’une défense autonome, dans la rue et en centre de rétention, en manifestant devant ces derniers et en se faisant l’écho des luttes qui s’y mènent. Nous imposons notre liberté de circulation en forçant par centaines les frontières comme ce fut la cas deux fois à Ceuta cet été.

Nous sommes celles et ceux qui résistent quotidiennement à l’extrême droite dans la rue ou aux gouvernements partout en Europe et au-delà.

 

Pour revendiquer l’égalité, pour mettre fin au racisme d’Etat et pour imposer la régularisation de tou.te.s, nous occuperons, comme hier nous avons occupé l’Eglise Saint-Bernard, la bourse du travail en 2009 ou le lycée Jean Jaurès en 2016.  

 

Nous luttons contre l’Etat qui nous sépare selon des catégories coloniales et individualisantes, pour nous diviser : sans papier, réfugié.e,clandestin.e… citoyen.ne. Nous, étranger.e.s, avec ou sans papiers, refusons l’injonction à se blanchir pour s’assimiler, ou français.es qui tournons le dos à notre blanchité. Nous répondons en refusant les assignations : notre« nous » est politique.

 

C’est pourquoi seul un rassemblement de tous les incompté.es de ce système nous permettra de renverser ensemble la vapeur, de nous soulever afin de lutter contre un système politique raciste parce que capitaliste, capitaliste parce que raciste, qui nous détruit tou.te.s.

 

Alors le 30 novembre 2018, contre le racisme et les inégalités sociales, disparaissons tous de nos lieux de travail,de nos facs, de nos écoles, des réseaux sociaux, des lieux de consommation.

Et le 1er décembre,réapparaissons sur toutes les grandes places des villes, pour exiger Egalité et Dignité pour tous et toutes.